Faut-il obliger les copropriétés à mieux se gérer?
Selon Dominique Braye, président de l’ANAH « Le temps de la copropriété n’est pas nécessairement le temps des copropriétaires », aussi appelle t’il à un toilettage sérieux des règles de fonctionnement des copropriétés, en privilégiant plus que ne le fait actuellement la législation l’intérêt de la copropriété au détriment de la liberté des copropriétaires.
Pour l’ANAH, pratiquement toutes les copropriétés seront un jour où l’autre confrontées à des enjeux de réinvestissement lourd, notamment pour l’amélioration de leur performance énergétique, et dès maintenant 15% du parc de copropriétés pourrait être concerné par un processus de déqualification.
L’ANAH estime à 300.000 le nombre de logements de résidence principale situés dans des copropriétés rencontrant des difficultés financières ou de fonctionnement ; ce chiffre atteint 800.000 à 1 million, soit environ 15% du parc des 6,2 millions de résidences principales en copropriété, si l’on se réfère à des critères portant sur la dégradation du bâti ou l’occupation sociale. Par contre, le nombre de logements dans des copropriétés identifiées et suivies comme en difficulté est estimé à 50 à 60.000, ce qui fait dire que « le problème semble donc encore largement devant nous » ! Or, les copropriétés construites entre les années 50 à 80 (un peu moins de la moitié du parc) nécessitent aujourd’hui des réinvestissements lourds et des travaux d’amélioration énergétique (40 à 70 milliards de travaux, selon une étude de l’ANAH pour les 10 ans à venir), cependant que les copropriétés plus anciennes rencontrent elles aussi des problèmes d’obsolescence technique.
« Les besoins croissants en travaux conjugués à une certaine paupérisation font apparaitre de nouveaux enjeux. Or, le système de gestion actuel des copropriétés, s’il permet de traiter correctement les affaires courantes quand tout va bien, n’est pas des plus efficaces pour piloter la gestion patrimoniale à moyen ou long terme de l’ensemble collectif, ou pour agir quand de sérieuses difficultés surviennent », indique le communiqué de l’ANAH qui accompagne le rapport (1). On ne peut en effet compter sur les seuls sens des responsabilités et clairvoyance des copropriétaires pour faire face à de tels enjeux.
De fait, le temps de présence moyen dans une copropriété s’établit autour de 7 ans quand l’horizon de l’entretien lourd d’un immeuble est plutôt de 25 ans ! Seuls les travaux à effet visible (ravalement, réfection des halls d’entrée) arrivent à passer, ou les réparations urgentes en cas de fuite ou panne !
Ainsi, les copropriétés n’abordent dans leur grande majorité leur entretien lourd et les adaptations aux nouveaux besoins ou à la règlementation qu’au coup par coup, sans optimisation ni prévision de coût pour les copropriétaires.
Par ailleurs, « les anciens copropriétaires sont remplacés par de nouveaux dont les moyens sont moindres, notamment des accédants dont le niveau d’endettement est à la limite du supportable, qui peuvent peiner à s’acquitter des charges courantes, et seront d’autant plus dans l’incapacité de faire face à des dépenses de travaux », indique le rapport.
Le rapport Braye ne propose pas moins qu’un « plan national copropriétés », avec un toilettage sérieux de la loi du 10 juillet 1965, comportant trois mesures emblématiques :
– l’obligation de soumettre les immeubles à un diagnostic technique global tous les 10 ans, d’établir et mettre à jour un plan pluriannuel de travaux permettant de prévoir un échelonnement cohérent des travaux à entreprendre, et de faire alimenter par les copropriétaires un fonds de travaux, en vue de faciliter le financement et la prise de décision des travaux,
– l’obligation en vue de rétablir la confiance entre copropriétaires et le syndic de copropriétés d’ouvrir un compte séparé dans chaque copropriété, ou à défaut « l’instauration de sous-comptes dans le compte unique », ce compte bancaire étant selon le groupe de travail « un puissant moyen de prévention des impayés qui offre une plus grande transparence »,
– une meilleure information des acquéreurs, grâce à une fiche synthétique indiquant notamment les charges courantes et le coût prévisionnel des travaux dès la négociation de la vente, voire même avec une reprise dans les annonces immobilières.
Dans le contexte économique actuel, est il opportun d’imposer de nouvelles contraintes aux copropriétaires?
Etudes (audit général et énergétique, établissement d’un plan pluriannuel de travaux), alimentation d’un fonds sur une longue période pour des travaux qui ne seront faits pour certains que dans plusieurs années ?
Venu expliquer ses propositions le 15 février devant les membres de l’association des journalistes de l’habitat et de la ville (AJIBAT), Dominique Braye répond sans hésitation par l’affirmative ! « Les copropriétaires devraient se l’imposer à eux-mêmes, car ne pas le faire c’est prendre le risque de voir leur immeuble se dégrader, et ne plus être en mesure de faire face plus tard à l’ampleur des travaux nécessaires.
E n somme selon Dominique Braye: « il faut protéger les copropriétaires contre eux-mêmes ».
Comment faire?
Il est pris notamment, l’ exemple du Québec qui prévoit un abondement minimal annuel de 5% du budget prévisionnel.
On évalue un effort de 50 à 100 euros par an par copropriétaire (pour un budget annuel moyen de charges de 1.000 à 2.000 euros). Il sera temps ensuite d’ajuster progressivement les provisions aux besoins du financement du plan pluriannuel de travaux, jusqu’à permettre de payer 100% des travaux du plan sans plus avoir besoin de solliciter les copropriétaires.
il ne s’agit que de faire contribuer ceux qui jouissent de l’immeuble au coût de son usure et de son vieillissement.
Les provisions accumulées doivent bien entendu être attachées aux lots de copropriété et ne pas être remboursées en cas de vente. Elles doivent en effet permettre de faire supporter par les copropriétaires pendant leur présence dans la copropriété le coût complet de l’usage de l’immeuble et ne pas le reporter sur les futurs acquéreurs comme aujourd’hui, de surcroît en absence de toute information !
Il est suggéré, quitte à aider les copropriétaire les plus modestes dans cette anticipation : si les temps ne sont plus aux allocations ou aux crédits d’impôt, pourquoi ne pas imaginer une aide remboursable sur la vente ou sur la succession ?
Des fonds travaux sécurisés, mais à coût zéro !
Cela suppose sans nul doute un changement profond d’approche de la copropriété. « En France la copropriété est encore trop axée sur la propriété individuelle au détriment de l’intérêt collectif ! » déplore Dominique Braye. « Or à ne pas défendre la propriété collective au nom de la défense de la propriété individuelle, on aboutit paradoxalement à dévaloriser cette dernière », insiste-t-il. « Les copropriétaires achètent d’abord un appartement et ne prennent pas en considération les parties communes ! » constate aussi Etienne Ginot de l’UNIS, selon qui « les impliquer dans une programmation et la constitution de provisions permet de créer un sentiment d’appartenance à un projet commun ».
Pour que les copropriétés acceptent en grand nombre cette démarche, il est par contre nécessaire que ces fonds soient à la fois sécurisés sur un compte de placement dédié, totalement distinct de la trésorerie courante de la copropriété, et que leur gestion ne génère pas de coût qui absorbe, voire dépasse, les produits financiers obtenus.
Or il est au moins une raison pour laquelle actuellement le syndic de copropriétés ne peut éviter de facturer des frais de gestion : le coût qu’engendre pour eux la détention de fonds supplémentaires pour la garantie financière qu’ils doivent souscrire au moins à hauteur de la pointe maximale des fonds détenus.
Afin de mettre à la disposition des copropriétés qui souhaitent d’ores et déjà alimenter un fonds de travaux un dispositif répondant à ces objectifs, il y à lieu de réfléchir sur des systèmes, des conventions qui prévoient de:
– ne débloquer les sommes bloquées au titre d’un « fonds de travaux » que sous certaines conditions – fixées en assemblée générale – garantissant qu’elles ne seront utilisées que pour l’usage pour lequel elles auront été appelées (en fait la production du procès-verbal d’une décision d’assemblée générale concernant des travaux de l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 et autorisant le syndic à financer ces travaux en utilisant toute ou partie de ces fonds),
– d’exclure le solde du compte ouvert dans cet objectif du périmètre des fonds pris en compte dans la pointe maximale des fonds qui sert à fixer le montant de la garantie financière, tout en garantissant les fonds correspondants.
– d’exclure le solde du compte ouvert dans cet objectif du périmètre des fonds pris en compte dans la pointe maximale des fonds qui sert à fixer le montant de la garantie financière, tout en garantissant les fonds correspondants.
Un groupe de travail interministériel devrait être réuni à brève échéance afin de définir le cadre légal des obligations préconisées par le rapport. Même si professionnels et associations de consommateurs semblent pour une fois à l’unisson, la partie n’est pas gagnée d’avance ; les temps ne sont pas favorables à de nouvelles contraintes pour des copropriétaires déjà très sollicités, et plusieurs milieux sont franchement hostiles au principe même des obligations recommandées, les bailleurs parce qu’ils estiment en général que c’est leur affaire de provisionner les travaux futurs, le ministère de la justice pour des raisons plus idéologiques, par réticence à accepter que le syndicat des copropriétaires soit autre chose pour ses membres qu’une entité transparente, tant fiscalement, comptablement et financièrement…
Espérons que pour la pérennité du bon état de fonctionnement des copropriétés que des décisions pragmatiques soient prises par tous les acteurs de la copropriété dont le syndic de copropriétés avec les moyens appropriées.
Photo de cdrummbks
2 Comments on “Sera t-il obligatoire pour le syndic de copropriétés, de gérer les copropriétés contre les copropriétaires?”
Même si le titre interrogatif de cet article lui correspond, je ne l’aime pas. La forme induit l’idée de risque, voire de menace, d’autoritarisme; en même temps que de triste impuissance du copropriétaire.
Pourtant le sujet se trouve ici très pertinemment abordé et des suggestions, pour certaines vaudraient la peine d’être rapidement examinées consciencieusement à fin de mise en oeuvre prochaine.
Cependant par exemple, il ne se pourrait qu’une participation à un fond travaux ne fût pas remboursée au vendeur; et il ne pourrait non plus que l’acquéreur n’ait pas à combler le vide créé ainsi dans la réserve constituée par tous ses CO-propriétaires pour que ne se dégrade pas le bien qu’il achète. Il faudrait, et cela devrait être ainsi depuis longtemps, que chaque acquéreur doive notamment par le notaire, être très précisément informé de ce qu’est la CO-propriété (rappel ; co=avec). Or personne n’est obligé d’acheter en copropriété!
ETc. etc.
La réflexion doit se poursuivre.
Andrée Benoist Membre d’un CS, chargée du suivi de la gestion.
Et si les acteurs de la vente : agences, notaires etc attiraient correctement l’attention des acheteurs sur leurs devoirs futurs d’avoir à régler les charges de copropriété, sur la possibilité- d’avoir un jour ,à régler des travaux pour garder la copropriété en bon état mais que ces éléments sont à ajouter au montant de remboursement mensuel qu’ils auront à effectuer pour leur crédit d’achat !
j’ ai tellement eu à faire avec des copropriétaires acheteurs tellement mal informés …………….